• Contribution d'André Chassaigne au Conseil National du PCF

        Au Conseil national du 25 avril, j’avais pointé deux questions que je considérais comme majeures dans la perspective des élections législatives.

     

     ➢ Après l’élection d’un président socialiste, et sans doute d’une majorité de gauche à l’Assemblée nationale, comment établir un rapport de force pouvant influencer concrètement les choix qui seront faits par la nouvelle majorité, pour répondre à l’aspiration à de réels changements ?

     

     ➢ La deuxième question : qu’est-ce qui peut conduire le peuple de France à faire de nous ses représentants à l’Assemblée nationale dans le contexte du nouveau rapport de force politique issu de l’expression du suffrage universel ?

     

    J’ajoute aujourd’hui l’exigence d’un éclaircissement : indépendamment de la décision que nous prendrons, à l’issue des élections législatives, sur notre participation au gouvernement, comment nos candidats s’affirmeront-ils au regard de la majorité présidentielle et dans le cadre d’une future majorité de gauche à l’Assemblée nationale ? Le positionnement est important au regard de notre implication future au sein de l’Assemblée nationale (bureau, commissions, délégations dans divers organismes...). Il nous faut donc, d’ores et déjà, préciser notre attitude, qui doit selon moi allier unité et autonomie, en étant très clairs sur notre objectif de réussite de la gauche dans l’intérêt du peuple, pour une amélioration concrète des conditions de vie.

     

     

     

     Le contexte spécifique des deux offres politiques concurrentes, que j’avais souligné, prend toute sa force aujourd’hui :

     

     - Le Parti Socialiste demande une majorité absolue en soutien au nouveau président. Il entretient pour cela l’appel au vote utile et brandit l’épouvantail d’une majorité de droite. Il fera inévitablement craindre aussi la perspective d’un blocage de notre part pour le cas où le groupe Front de gauche deveindrait incontournable dans chaque décision.

     

     - L’extrême-droite poursuit son entreprise démagogique en réclamant aux couches populaires de porter à l’Assemblée ses candidats pour « inviter la France à la table des élites », amplifiant la dimension nationale donnée à la candidature législative de Marine Le Pen.

     

     Il nous faut donc définir les propositions qui peuvent amener les électeurs à nous désigner comme leurs nécessaires représentants à l’Assemblée nationale, le message qui fera que les candidats du Front de gauche incarnent une force indispensable au changement attendu par le peuple.

     

     

     

     Le premier argument d’avoir un groupe Front de gauche fort à l’Assemblée nationale, pour être jour après jour utile à la mise en œuvre d’une politique vraiment à gauche, sera bien évidemment déterminant. Il faudra l’étoffer des mesures fortes que nous porterons prioritairement en montrant combien elles conditionnent toute perspective de changement. Pour ma part, j’en mets quatre en exergue durant mes rencontres, commune après commune :

     

     - Le partage des richesses avec une politique salariale favorisant l’élévation des salaires et la protection sociale.

     

     - L’indispensable levier financier avec un pôle public bancaire pour pratiquer un tout autre crédit favorisant l’emploi, les salaires, la formation, le développement social et écologique.

     

     - L’ouverture du débat en Europe sur la remise en cause du Traité de Lisbonne et prioritairement les changements des missions de la BCE qui doit être réorientée pour le rachat des dettes publiques et la création monétaire, avec un Fonds Européen de développement social et écologique.

     

     - La mise en œuvre d’une transition écologique avec l’ouverture du grand chantier d’une planification démocratique des mesures à prendre, en lien avec une politique industrielle déterminée. Cela implique de nouveaux droits pour les salariés, indispensables à tout développement économique.

     

     Ces mesures pourraient constituer en quelque sorte le socle dur, une forme de préalable à toute perspective de participation gouvernementale. Plus largement, avec les propositions que nous avons portées avec le programme « l’Humain d’abord », elles peuvent amener certains électeurs à nous désigner comme leurs nécessaires représentants à l’Assemblée nationale.

     

     

     

     Mais il nous faut aussi lister les lois adoptées au cours des dix dernières années, pour les mettre très rapidement à bas, avec des propositions de loi que nous porterons dès juin-juillet, et donc à formaliser immédiatement. Nous serons les porteurs de loi nouvelles pour améliorer la vie quotidienne, bousculant ainsi la gauche toute entière pour réussir le changement. Nos candidats doivent avancer avec détermination les choix qu’ils sont prêts à faire, comme futurs députés, dès la rentrée parlementaire, sur des questions aussi essentielles que l’emploi, les salaires, la retraite, les services publics, la santé, la protection sociale, les prix de l’énergie et de l’alimentation, le logement, les transports, ou l’écologie. Saisissons-nous déjà du travail considérable effectué par les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche ces cinq dernières années, avec leurs propositions de loi dans ces domaines.

     

     

     

     Mais, comme je l’ai dit, cela ne suffira pas. Le Front de gauche est un rassemblement de type nouveau. Il est devenu de fait la propriété de citoyens, militants ouvriers et intellectuels, responsables associatifs et créateurs. Il est désormais l’outil pour impulser une politique de transformation sociale.

     

    Donnons à voir, dans ces courtes semaines de campagne, ce que sera une pratique politique complètement différente, hors du commun, comme l’a été notre campagne des présidentielles. Il faut réussir à faire toucher l’articulation entre la construction collective du travail législatif et l’indispensable mobilisation populaire pour porter les exigences citoyennes. Il nous faut expliquer concrètement comment nous allons conduire notre activité parlementaire en lien avec le mouvement populaire et les luttes sociales. Concevons cette activité comme la mise en œuvre immédiate d’une « révolution citoyenne » pour donner du « pouvoir au peuple », démarche du présent et non pas de l’attente d’un grand soir des urnes.

     

    Quelques pistes de réflexions :

     

    1) Expliquer, dès la campagne, comment nous mettrons en œuvre immédiatement, avec ce levier inédit, une nouvelle pratique politique :

     

    - La mise en débat permanent de nos propositions avec l’objectif de créer des majorités d’idées.

     

    - L’amplification des assemblées citoyennes autour d’ateliers législatifs pour coélaborer des propositions de loi en lien avec les groupes parlementaires Front de gauche.

     

    - Le portage populaire des textes législatifs dans la continuité des formidables mobilisations de la campagne des présidentielles avec des rassemblements, pétitions et toutes autres formes d’appui, en lien avec le mouvement syndical et associatif.

     

    - Le soutien aux luttes et leur accompagnement par un prolongement politique concret dans les différentes assemblées où siègent les élus du Front de gauche.

     

    2) Concrétiser dans les actes la diversité du Front de gauche qui sera de fait amoindrie par sa représentation parlementaire avec le risque de réduire sa capacité de rassemblement. Un levier parmi d’autres à imaginer pourrait être une plus forte implication des suppléants dans l’activité du député et du groupe parlementaire, notamment dans le déploiement sur le terrain de nouvelles pratiques démocratiques. Par leur diversité, les suppléants sont plus représentatifs de la richesse du Front de gauche et ouvrent bien des perspectives.

     

    3) Décloisonner le fonctionnement de nos différents groupes parlementaires (Assemblée nationale - Sénat - Parlement européen) mais aussi avec les groupes Front de gauche des assemblées des collectivités territoriales. Faisons davantage de commun dans le cadre d’une pratique politique complètement nouvelle.

     

     

     

    Pour conclure, durant cette campagne comme au lendemain des échéances électorales, nous devons être sans aucune ambiguïté sur notre volonté qui est celle de la réussite d’une gauche nouvelle, en France, dans le seul intérêt de nos concitoyens. Dans un contexte historique inédit, notre responsabilité est immense.

    André Chassaigne


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